EP1 S02 : Les devoirs… et le cahier de textes numérique !

L’espace numérique de travail et ses diverses utilisations… Qu’en est-il réellement de l’obligation légale de noter les devoirs des élèves et les contenus du cours sur le cahier de textes numérique ?

[2nd degré]

Synthèse de l’épisode. Tous les liens sont trouvables en orange dans chaque section.

Un poil de contexte : entre devoirs à noter sur l’ENT ou cahier de textes entier à compléter

Deux distinctions :

  • Noter les devoirs. Y figurent la matière, la date butoir du devoir, l’intitulé de la leçon à apprendre et les exercices à faire sur tel support.
  • Noter la séance. Y figurent la date de la séance, les objectifs visés, le détail des activités et des points clés du cours, les documents vus et les supports à ajouter en complément.

La seconde juridique : qu’en est-il des obligations de chacun ?

Les textes officiels à prendre en compte :

L’enseignant a l’obligation légale de noter à la fois le contenu du cours et les devoirs à faire sur l’ENT. L’utilisation du cahier de textes numérique par l’enseignant ne dispense néanmoins pas l’élève d’apporter son cahier de textes individuel. Le règlement intérieur de chaque établissement du 2nd degré prévoit également un paragraphe ou un chapitre sur cet espace, ainsi que les punitions et sanctions en vigueur en cas de manquement des élèves face à leurs propres obligations scolaires.

Les réalités des terrains : entre lois qui n’engagent pas tout le monde, et pratiques qui varient

Un tour chez l’enseignant : la circulaire de 2010 n’est pas respectée par tous, notamment pour une question de temps. Noter les devoirs ou le contenu du cours sur l’ENT reste un travail chronophage qui s’ajoute au reste des missions. Quand prendre le temps de tout retranscrire sur ordinateur ?

  • Pas sur le cours en lui-même : en début de séance, le programme peut encore changer selon les aléas et la progression des élèves.
  • Pas en fin de séance : l’enseignant ne disposant pas toujours de sa propre salle, il doit céder la place au cours suivant. Pas cinq minutes avant la fin du cours ; les élèves ne sont autorisés à sortir de la salle qu’à la sonnerie. Leur faire noter les devoirs sur l’agenda personnel prend du temps selon la classe et le cycle, c’est un temps en moins pour utiliser l’ENT.
  • Pas en salle des professeurs : l’équipement informatique est inégal selon le budget et le fonctionnement de l’établissement, ou bien il est pris d’assaut selon les heures de la journée. Certains enseignants étant sur des postes partagés, tous ne trouvent pas le temps de se poser en salle des professeurs.

La conclusion s’impose, c’est le temps hors de l’établissement qui reste le plus plausible, celui qui n’est pas compté dans les 18h de travail en classe, mais sur celui du temps de travail « invisible ».

Références 

  • Épisode 8 : « Enseignant, un métier jalousé et déserté »

Y a-t-il un délai légal ? La circulaire stipule explicitement l’obligation de rendre accessible devoirs et contenu du cours sur l’ENT, elle ne précise toutefois aucun délai. L’enseignant n’est pas tenu de rentrer les éléments sur la minute, il peut aussi le faire en fin de soirée ou en fin de semaine.

Qu’en est-il du droit à la déconnexion ? Si le cahier de textes numérique ne peut pas être rempli sur les heures de présence dans l’établissement, il ne reste que les heures de repos, les fins de semaine, les soirées. Voilà le constat : enseignants, élèves et familles sont sollicités à toute heure, soit parce qu’ils doivent faciliter l’accès aux ressources, soit parce qu’ils attendent les ressources.  Le cahier de textes numérique peut potentiellement chavirer les temps professionnels et les temps personnels.

Est-ce qu’instaurer cette obligation légale s’apparente à une volonté de suivre à la trace chaque mouvement des personnels ? Chaque membre de la communauté éducative est censé avoir un accès permanent à l’outil numérique, y compris les inspecteurs et les chefs d’établissement. Ce regard des supérieurs hiérarchiques interroge dans la profession.

Un tour chez l’élève : la circulaire de 2010 précise l’obligation pour l’élève d’avoir son propre agenda individuel. Qu’en est-il réellement ? La classe se partage entre ceux qui ont leur agenda et notent correctement, ceux qui ont l’agenda et qui notent mal par étourdissement, angoisse ou autre, ceux qui ont leur agenda et refusent de noter, et ceux qui ne viennent jamais avec leur agenda, soit parce qu’ils n’accordent aucun intérêt au cours, soit parce qu’ils n’ont pas acheté d’agenda.

Pourquoi continuer à noter sur papier si tout est déjà rentré sur numérique ? Y aurait-il là une certaine forme d’assistanat dans cette façon de tout rendre accessible aux élèves ? Un cahier de textes numérique n’évite ni la contestation, ni les prétextes en cas de travail non-fait ; par contre, il questionne le rôle du format papier, et l’engagement des élèves face à leurs obligations scolaires et leur travail personnel.

Outre les dysfonctionnements informatiques de part et d’autre, est-ce qu’ouvrir la voie au tout numérique n’inciterait pas à déresponsabiliser les élèves de leur rôle et de leur posture d’élève ? Quel serait l’intérêt d’apprendre à un élève à tenir un agenda dès l’école élémentaire si on lui dit que finalement ce n’est plus utile, qu’il n’en a plus besoin une fois arrivé en 6ème ?

Références 

  • Épisode 6 : « On ne naît pas élève, on le devient »

Qu’en est-il de l’élève absent ? Rattraper les cours sur l’ENT ou via les camarades reste possible, si ce n’est encouragé dans nos pratiques. Entre un contenu rédigé sur l’ENT et un contenu absorbé en présentiel, la différence est pourtant parfois énorme, d’autant que chaque enseignant a sa manière de restituer le contenu de la séance, ou de noter les devoirs. C’est exactement la même chose avec l’élève et sa prise de notes. En ce sens, l’ENT permet bien à l’élève absent de rattraper et d’avoir accès aux contenus manqués, mais ce n’est pas l’outil en lui-même qui stabilise l’apprentissage. Quant aux devoirs, l’élève absent n’ayant pas eu le cours ne peut pas faire les exercices demandés.

De plus, on demande aux élèves de sortir du numérique pour reprendre pied avec la réalité, tout en les encourageant à s’appuyer sur la béquille de l’ENT. Manque de cohérence ou difficultés à trouver des solutions variées ?

Un tour chez les familles et responsables légaux : bien qu’absents des temps de classe, leur rôle est essentiel à la communauté éducative et à la scolarité de leur enfant. L’ENT fait partie des outils qui alimentent la relation École – Familles. Il permet aux parents de suivre les progressions de leur enfant et l’implication de celui-ci dans son travail personnel et ses apprentissages. Qu’en est-il réellement ? Ce sont des familles attentives à la scolarité de leur enfant, investies dans la régularité et le sérieux du travail personnel ; des familles qui soutiennent les décisions de l’école ou les contestent. Des familles qui se plaignent du trop de devoirs ou du pas assez de devoirs, du manque d’écrit sur l’agenda ou du pas assez d’informations sur l’ENT. Des familles qui n’ont pas accès à l’outil numérique parce qu’elles n’ont qu’un ordinateur familial, ou pas d’ordinateur tout court.

Et entre celles qui suivent assidument la scolarité au point de guetter l’ENT tous les jours, celles qui connaissent les circulaires et s’en servent dès que quelque chose sort de l’ordinaire, et celles qui ne respectent pas le droit à la déconnexion, la question se pose régulièrement : n’arrive-t-on pas progressivement à une dynamique consumériste ?

Murmure-moi les bénéfices : que gagne-t-on avec le cahier de textes numérique ?

Le cahier de textes ne sert pas uniquement aux élèves et aux familles, il a aussi une utilité pour l’enseignant et les personnels de l’établissement. Noter les devoirs et le contenu du cours était déjà une obligation avant la circulaire de 2010, à la différence que tout était sur un format papier. Est-ce que ça rajoute du travail ? Oui, mais la question du format se pose aussi. Le tout numérique est confortable et dispose de davantage de possibilités pour s’organiser, cependant le temps de travail de l’enseignant s’étend déjà bien au-delà de ses 18 heures pour de nombreuses autres missions que l’enseignement en classe. Le matériel informatique n’est pas exempt de tomber en panne, d’autant que les primes informatiques pour s’équiper ne permettent pas de s’acheter un outil de travail professionnel de qualité.

Références 

  • Épisode 11 : « La pédagogie de projet face à l’École des connaissances »

Vraisemblablement, les bénéfices sont moins importants pour l’enseignant que pour l’élève. Qu’est-ce qu’un agenda individuel pour l’élève ?

  • Une inégalité sociale : l’agenda n’est pas plus cher que d’autres fournitures, reste qu’il a un coût quand même, surtout s’il est associé à une marque ou une franchise célèbre.
  • Un objet de moquerie : selon les goûts et les préférences, l’élève choisit l’agenda qui lui correspond le mieux, mais aussi celui qui attise les moqueries de ses camarades immatures.

Peut-on considérer que le cahier de textes numérique effacerait ces deux problèmes ? S’il ne distingue personne sur les goûts et la personnalisation, l’inégalité sociale reste présente même si elle se déplace ailleurs. Utiliser l’ENT implique d’avoir un accès facile et régulier à un ordinateur de bonne qualité. Toutes les familles n’ont pas cette possibilité, toutes n’ont pas un ordinateur pour chaque membre de la famille, et toutes n’ont pas la même connexion Internet.

Les bénéfices du format numérique ? Les élèves absents peuvent y trouver leur compte comme support pour rattraper une partie du cours. Il s’agit aussi d’une béquille pour les élèves hésitants, stressés ou étourdis. Ils peuvent y retrouver le contenu validé par l’enseignant et ajuster avec leur prise de notes. Les élèves en demande de travail supplémentaire ou de ressources y trouvent des exercices facultatifs et des corrigés selon la pratique de leur enseignant. L’ENT stocke leurs documents s’ils ont besoin de transmettre un devoir.

Les bénéfices du format papier ? L’agenda individuel ne risque pas de tomber en panne, même si on peut le perdre plus facilement. Il participe à la formation de l’élève, pas juste en lui permettant de trouver sa personnalité et se revendiquer, pas juste parce que c’est un support pour dessiner ou s’exprimer. Au niveau de la posture d’élève, il s’agit d’un pas vers la responsabilisation et l’autonomie, la prise en compte des délais et de leur gestion. Ce n’est pas l’enseignant qui mâche le travail et qui prend tout en charge ; c’est l’élève qui apprend la prise de notes et l’organisation, la méthode qui lui correspond le mieux. Des apprentissages qui ne nécessitent pas de gratter des heures durant sur une feuille vierge, mais qui restent au-delà de la scolarité.

L’hôtesse t’en parle encore et toujours, notamment de ses frasques avec l’agenda personnel…

À écouter ou à regarder sur le format audio et vidéo ! Une question d’agenda comme forme d’expression libre pour déchaîner les émotions vives, d’agenda plus que de cahier de textes, et de différences entre ma génération et celle dont je m’occupe, notamment sur la place qu’on donne au travail personnel et à la responsabilisation progressive de l’élève. Cahiers de textes et devoirs à faire sont pris en étau par les débats aux points de vue radicalement opposés. Ce qu’on en garde, c’est qu’on ne peut pas s’inquiéter de l’avenir de nos élèves si on les incite à se désengager de leurs obligations scolaires.

Le rendez-vous est pris !

Vendredi 22 avril, c’est à l’Agrégation qu’on se colle. Préjugés, légitimité et réalités d’un concours et d’un statut incertains. D’ici-là, porte-toi bien et ne baisse pas les bras.

ÉP1 S02 Anchor

L’épisode est disponible ici

Ça coule de sources !

  • Canopé : « Le cahier de textes numérique, un outil d’accompagnement de l’élève »

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