EP8 S02 : Faut-il bannir les cours d’Éducation Physique et Sportive ?

Modeste coefficient au Bac, modeste discipline en heures, une place sur le bulletin et des incertitudes sur l’intérêt et l’avenir de ce cours en dehors de la classe. Veut-on réellement bannir le cours d’Éducation Physique et Sportive ?

[1er degré et 2nd degré]

Synthèse de l’épisode. Tous les liens sont trouvables en orange dans chaque section.

La seconde juridique, ou le cadre et les objectifs de l’EPS

Les textes officiels à prendre en compte :

Un bond dans l’Histoire : des débuts jusqu’à l’état actuel de la discipline

De 1830 à aujourd’hui, en quelques dates essentielles :

  • 1830 : la gymnastique (éducation physique) est facultative dans le primaire ;
  • 1880 : la gymnastique devient obligatoire pour tous les élèves avec la Loi George ;
  • 1910 : le terme « éducation physique » fait sa première apparition manuscrite en France ;
  • Années 1960 : le développement des syndicats d’enseignants oblige à revoir le fonctionnement et les objectifs de la discipline pour aboutir à l’éducation sportive ;
  • 1981 : la gestion des enseignants d’éducation sportive est réintégrée à l’Éducation nationale, avec l’obligation de se conformer aux attentes et objectifs de l’École pour développer l’action motrice au centre des apprentissages.

CAPEPS sous toutes ses formes : le certificat d’aptitudes au professorat d’éducation physique et sportive correspond au CAPES des autres disciplines, accessible comme CAPEPS, CAFEP CAPEPS, à l’Agrégation et au CAER-PA. Contrairement aux autres concours enseignants, le CAPEPS souffre moins sur le nombre de postes offerts, il augmente même légèrement entre 2019 et 2022, après avoir baissé entre 2016 et 2019. Néanmoins, la pénurie de titulaires et de contractuels touche aussi la discipline.

Évolution du volume horaire : Entre les heures officielles et celles effectuées, l’écart peut s’avérer très important, surtout dans le 1er degré. Entre 1960 et 2002, les écoles maternelles et élémentaires avaient 5h hebdomadaires d’EPS, découpées en 3h hebdomadaires. Depuis le changement des semaines de 27h pour des semaines de 24h, soit en 2002, l’EPS se réduit à 3h réglementaires. Le secondaire comportait 5h pour collèges et lycées jusqu’en 1977, où le temps s’est réduit à 3h partout. La configuration actuelle existe depuis 1981, avec 4h d’EPS en 6ème, 3h pour les trois autres niveaux du collège, 2h obligatoires sur le tronc commun au lycée, et 3h optionnelles également étendues au lycée.

Nouvelle réforme à prévoir : Dans son programme présidentiel, le Président élu pour un second mandat, Emmanuel Macron, souhaite incorporer 2h d’EPS obligatoires en plus dans le 1er degré et le 2nd degré, par le biais de 30 minutes de sport par jour dans le primaire, et un autre bloc de 2h pour le collège. Doit-on s’attendre à voir cette proposition devenir réalité avec une nouvelle réforme ?

Bannir une discipline, mais pourquoi la bannir ?

L’Éducation Physique et Sportive est régulièrement peinte comme une expérience scolaire négative, si ce n’est traumatisante, et dont les effets restent visibles au-delà de la scolarité. Voici quelques arguments qui ressortent plus que d’autres :

  • Des pratiques sportives pas réalisables par tous, avec une appétence, des capacités et des vulnérabilités radicalement opposées dans une même classe ou un même groupe, créant ainsi un déséquilibre entre les élèves les plus à l’aise et les autres.
  • Un manque de mixité scolaire et social évident, selon la pratique sportive et la dynamique de groupe, qui s’étend de la composition de l’équipe à l’équipement individuel, ou à la considération et la prise en compte des élèves transgenres ou en situation de handicap.
  • La proximité dans les vestiaires, où le peu d’espace fermé individuel contraint les élèves à faire face au regard et au jugement des autres, voire à des comportements dangereux ou criminels.
  • L’EPS a une place dans le bulletin, avec un coefficient 2, des notes et des appréciations, alors que la discipline ne demande pas une grosse somme de connaissances. L’élève qui souhaite remonter sa moyenne générale considère alors l’EPS comme la matière qui sauve et compense, sans exiger d’efforts particuliers.
  • La performance avant la progression, c’est tout du moins encore la vision qu’en ont les élèves, et une petite partie des enseignants. Mesurer la performance s’avère plus aisé que mesurer la progression, surtout quand la classe est surchargée et que l’enseignant ne peut individualiser et guider chacun sur le prochain palier.
  • Hors-sol et privilégiée : le cours d’EPS est souvent placé avant toutes les autres disciplines dans les premières moutures d’emploi du temps, pour des questions de matériel et de locaux à se partager et externalisés. Le cadre hors de la classe et les heures placées avant le reste suscitent des réactions fortes et parfois violentes, comme si l’enseignant d’EPS était « pépère » et « déconnecté des réalités de terrain ».

Murmure-moi les bénéfices : qu’est-ce que l’EPS apporte concrètement ?

  • Le sport scolaire permet à tous les élèves de pratiquer une activité physique et sportive régulière sur un temps fixe, et sans coûts ou déplacements à la charge des responsables légaux. C’est aussi l’occasion de découvrir des activités inaccessibles en dehors de l’école, tant les APSA sont nombreuses.
  • Des apprentissages au-delà du simple maintien de la santé, où certaines compétences et capacités ne peuvent pas être développées en dehors de ce cadre.
  • L’École ne saurait se résumer qu’à la connaissance en classe, d’où l’intérêt de la discipline puisqu’elle ne sollicite pas autant l’esprit et la théorie qu’en classe. Des études scientifiques rapportent que le sport a des effets sur la santé psychique, élément qui a bien sa place à l’École, et que l’EPS aide à forger.
  • Persévérance et résilience sont des valeurs omniprésentes dans le sport : des personnalités sportives témoignent quotidiennement de leur parcours de vie douloureux, et de l’importance du sport dans leur dépassement de soi et la connaissance de leurs limites. L’élève en quête d’identification et qui voit ces personnes comme des modèles est plus enclin à les écouter et à prendre leur exemple, y compris dans des valeurs qu’il ne connaît pas encore, et auxquelles il prête moins attention si c’est l’enseignant qui les lui apprend.

Tantôt expérience négative ou traumatisante, tantôt expérience positive qui forge l’élève et lui ouvre des portes diverses, l’EPS est aussi être le théâtre de valeurs et d’ouverture dont beaucoup ne disposent pas en dehors du cadre scolaire. Et si ce n’était pas la discipline elle-même qu’on voulait supprimer, mais le fonctionnement qu’on voudrait adapter ? A-t-on vraiment cette volonté de faire disparaître une discipline, ou n’est-ce pas plutôt une volonté de la rendre plus juste envers élèves et enseignants, tous ayant à subir des programmes et des lignes de conduite qui ne tiennent pas compte des réalités de terrain ? Une volonté de la rendre plus sécuritaire également, pour stopper les agressions et le harcèlement, les moqueries sur le corps ou la performance ? Il semblerait qu’une partie du problème se situe à ce niveau, sur le rapport des élèves entre eux, et le rapport des élèves à l’enseignant.

Référence :

  • ÉP11 : « La pédagogie de projet face à l’École des connaissances »

L’hôtesse t’en parle encore et encore, entre harcèlement et injustices ignorées !

À écouter ou à regarder sur le format audio et vidéo ! Une histoire d’élève harcelée pour des raisons qu’elle ignore encore, et où l’EPS a un rôle important dans son naufrage. Une histoire de mise à l’écart et de moqueries sur le corps et les imperfections. Une histoire de discipline que je ne veux pas voir disparaître, mais qui doit cesser de fermer les yeux sur l’inacceptable. C’est tout un travail à faire pour prendre en compte les élèves en situation de handicap, les élèves transgenres, les situations de harcèlement et d’agression vues et connues de tous ou dissimulées. Comment le faire si on supprime une discipline, surtout quand on supprime le statut d’enseignant qui va avec ? Est-ce que lui aussi serait dispensable ? N’est-ce pas là une autre injustice injustifiable et une nouvelle preuve de mépris ?

Le rendez-vous est pris !

Vendredi 10 juin, entre quat’yeux avec l’adjoint gestionnaire en milieu scolaire, lui et ses responsabilités, lui et sa considération, lui et ses statuts qui perdent du monde ! D’ici-là, porte-toi bien et ne baisse pas les bras.

ÉP8 S02 Anchor

L’épisode est disponible ici

Ça coule de sources !

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