Hors-Série #6 : Énième réforme pour la voie professionnelle, serait-ce la dernière ?

ALERTE ! Une énième réforme se profile à l’horizon : le courroux du ministère de l’Éducation nationale s’est à nouveau abattu sur la voie professionnelle. À quelle sauce allons-nous être noyés ?

Synthèse de l’épisode. Tous les liens sont trouvables en orange dans chaque section.

La partie 1, ou dérouler les dernières nouveautés

Dans son édition du dimanche 31 juillet – lundi 01 août, Le Monde a consacré une double page à l’enseignement professionnel. Ce sont deux articles en particulier qui amènent mon intérêt, puisqu’ils y retranscrivent la prochaine réforme prévue pour la voie professionnelle.

  • « L’enseignement professionnel, un chantier prioritaire pour Macron », par Bertrand Bissuel.
  • « L’apprentissage fonctionne, mais à un certain niveau de diplôme », par Mattea Battaglia.

La dernière réforme datait de 2018 – 2019, et le programme présidentiel de M. Macron annonçait depuis 2017 l’intention gouvernementale de généraliser l’apprentissage. La récente nomination de Carole Grandjean au poste de ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la formation professionnelle n’a fait que confirmer les soupçons. Sous la double tutelle du Ministère du Travail et du Ministère de l’Éducation nationale, la ministre déléguée est aussi le signe qu’École et entreprises sont amenées à se rapprocher davantage, alors que jusqu’ici, les liens restaient plus discrets.

Deux épisodes qui en parlent :

  • ÉP3 – S02 : « Le lycée pro n’est pas une voie de garage ! »
  • CapActus #10 : « Juillet 2022 ! Examens et concours, lycée pro en danger et autres joyeusetés… »

La partie 2, ou ce que prévoit le gouvernement pour la voie professionnelle

En quatre extraits :

  • Première citation au sujet de l’apprentissage comme solution dans la bataille du plein emploi.
  • Deuxième citation au sujet de la difficulté des lycéens en pro à trouver un emploi à la sortie de la scolarité, et le décalage avec les besoins de l’économie et la tertiarisation des formations.
  • Troisième citation au sujet des changements annoncés avec la réforme : nombre de « semaines de stage en entreprise » (PFMP), gratification pour les stagiaires ou présence de l’enseignement général dans le cursus.
  • Quatrième citation au sujet du contexte différent entre la création du Bac Professionnel en 1985, et les élèves accueillis actuellement, et la « défiance culturelle » des enseignants envers toute nouvelle réforme.

En quelques chiffres :

  • « Repères et références statistiques 2021 » : Plus de 645 000 élèves sont en formation initiale dans la voie professionnelle en 2020, divisés entre 111 000 élèves en CAP, et 523 000 autres en Bac Pro. L’apprentissage en CFA concerne environ 478 800 apprentis. Dans l’enseignement pro public, ce sont aussi 57% des élèves qui sont d’origine défavorisée ; le chiffre baisse à 32,5% pour les élèves du privé sous et hors contrat.
  • « L’Éducation nationale en chiffres 2021 » : Le taux d’emploi des sortants de la voie professionnelle est très inégal selon qu’il a fait sa formation en lycée ou en CFA. Le CAP en lycée obtient 27%, pour 59% en apprentissage. Le Bac Pro effectué au lycée s’arrête à 39%, largement dépassé par le 66% en apprentissage. Dans le même rapport de force, les BTS en formation initiale plient sous l’apprentissage, à 56% contre 73%.
  • « L’Étudiant » : 34% des bacheliers pro poursuivent en BTS, dont 1/3 provient de l’apprentissage. La première année de Licence dépasse à peine 7% d’arrivants de voie pro.
  • « La Gazette des communes » : Ce sont dans les 80 000 élèves qui sont déscolarisés ou en situation de décrochage scolaire depuis 2020, dont 60 000 mineurs.
  • Les effectifs de PLP (professeurs en lycée professionnel) s’élèvent à plus de 65 000 enseignants.

La partie 3, ou les risques de faire de l’apprentissage une norme

L’article laisse la parole à Vincent Troger, historien de l’enseignement professionnel. Plusieurs interrogations très justes à relever :

  • la contradiction de la réforme à vouloir amener le jeune sur le marché du travail au plus tôt, alors que la France s’évertue à faciliter les accès aux études supérieures.
  • si l’apprentissage fonctionne pour un bon nombre d’apprentis et démontre des résultats encourageants dans le taux d’emploi, instaurer l’apprentissage comme une norme ferait énormément de mal : tous les élèves ne sont pas en capacité de se confronter à une culture d’entreprise, tous n’ont pas la possibilité d’être hébergés à proximité de l’entreprise, et tous ne trouvent pas de contrat tant certaines entreprises sont frileuses.

En deux extraits :

  • Première citation au sujet des changements profonds dans la voie professionnelle, notamment sur l’accès à l’emploi et à l’évolution interne, et la formation générale qui n’est plus en mesure d’assurer l’acquisition de toutes les bases, jusqu’au point où le lycée professionnel en particulier est vu comme la voie de garage ou la filière poubelle réservée aux « cas désespérés ».
  • Deuxième citation au sujet de la nécessité d’une réforme qui ne place pas l’apprentissage ou la formation initiale comme norme et possibilité unique, pour tenir compte de tous les profils d’élèves. Ça en passe par une meilleure communication sur la voie professionnelle dès le collège, afin que parents et élèves ne soient plus mortifiés, dégoûtés ou récalcitrants à l’idée d’un cursus professionnel.

Mes quelques mots personnels : avec une telle stigmatisation de l’enseignement pro, c’est une évidence à peine dissimulée ! La « filière d’excellence » est à mille lieux de voir le jour, parce qu’avant d’en faire la voie d’excellence sur laquelle gouvernement et entreprises bavent publiquement, il faudrait déjà en faire une voie de réussite ! Une voie où les élèves se sentent libres d’aller avec fierté, ou juste en étant volontaires, avec un projet en tête. En formation initiale ou sous statut d’apprenti, en fonction de leurs aspirations, de leurs capacités et de leur niveau, peu importe en réalité, du moment qu’ils s’y orientent d’eux-mêmes, sans la crainte des parents et le regard jugeur des autres.

L’apprentissage en tant que cursus n’est pas l’ennemi tant qu’il ne reste qu’une voie d’accès et pas une obligation ; il offre une autre possibilité aux élèves moins scolaires ou plus intéressés par l’immersion en entreprise, dans la pratique réelle et pas dans la mise en situation. Cependant, les réglementations et le statut d’apprenti sont facilement détournés, c’est bien ce point ci qui nécessite de porter une attention particulière aux actions des entreprises. Aucun n’abus ne doit être toléré ! Quant à faire de l’apprentissage la norme de la voie professionnelle, est-ce que quand on regarde le collège unique, cette façon d’uniformiser à tout va fonctionne vraiment ? Si la réponse est oui, c’est qu’il y a effectivement un sacré problème. Le reste, ça sera pour un autre jour !

Le rendez-vous est pris !

Pas de panique, nous avons toujours rendez-vous vendredi 05 août pour découvrir une websérie qui met en scène une CPE déjantée ! D’ici là, porte-toi bien et profite de chaque temps libre.

HS #6 Anchor

L’épisode est disponible ici

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