EP10 S01 : Délégué de classe, un rôle valorisant pour l’élève

Entre toutes les possibilités et les rôles que l’élève peut découvrir dans sa scolarité, celui de délégué de classe est l’un des plus connus, et l’un des moins considérés en fin de compte, parce que pensé comme un rôle de figurant. Question : pourquoi le rôle de délégué de classe est à valoriser dans le parcours de l’élève ?

*1er degré, 2nd degré et enseignement supérieur.

Synthèse allégée de l’épisode.

  • Indispensable 1 : Deux événements à retenir : la semaine de la démocratie, organisée en début octobre pour prendre conscience des enjeux des élections scolaires, autant les parents que les élèves. Les semaines de l’engagement, organisées sur un total de trois semaines à partir de mi-septembre pour mettre en avant tous les engagements que les élèves peuvent prendre, qu’il s’agisse d’un engagement dans l’établissement ou hors-établissement.

Les bases du délégué de classe

La généralisation de notre délégué de classe actuel dans les établissements vient de 1968, mais le rôle trouve ses sources en 1945 avec le « chef de classe » ou « responsable de classe ». Viennent ensuite le conseil de classe dans les années 1970 après bien des évolutions, le conseil de la vie lycéenne en 2000, puis le conseil de la vie collégienne en 2016, en même temps que la création du Parcours citoyen de l’élève.

Le rôle du délégué de classe paraît simple : il représente l’ensemble de sa classe en se faisant le porte-parole de chacun auprès des personnels enseignants et non-enseignants, sur les instances accessibles comme sur des temps d’échange individuels. 2 délégués titulaires par classe, 1 suppléant par délégué. Dans le 1er degré, l’école élémentaire a ses propres délégués même si le rôle est moins médiatisé et les attentes différentes. L’enseignement supérieur dispose de référents étudiants aussi, soit par les élections de délégués, soit par des associations étudiantes. L’enseignement agricole lui confère à ses délégués de classe un rôle plus élaboré, dans la mesure où la possibilité d’action s’étend au-delà de la salle de classe, et les effectifs étant plus réduits. Quant aux établissements disposant d’un internat, ils sont censés avoir au moins un délégué spécifique à l’internat.

Outre la représentation des camarades aux conseils de classe ou de témoin lors des conseils de discipline, d’autres instances permettent d’élargir le rôle du délégué : il peut siéger au Bureau des Élèves ou des Étudiants, à l’Assemblée générale des délégués au lycée ou au conseil d’administration, aux différents comités présents dans l’établissement, au conseil de la vie collégienne (CVC) ou lycéenne (CVL), etc. L’enseignement agricole rajoute le Conseil National des Délégués des Élèves et des Étudiants de l’Enseignement Agricole Public (CNDEEEAP) et le Conseil National de l’Enseignement Agricole (CNEA).

Les éco-délégués sont généralisés dans les établissements depuis peu et doivent se présenter sous la forme d’un binôme fille-garçon. 20 000 éco-délégués en tout dans les collèges et lycées, avec une possibilité de s’inscrire dans la démarche aussi pour les classes de CM1 et de CM2. Leur rôle consiste avant tout à sensibiliser les classes au développement durable et à ses problématiques, se faire ambassadeurs de la cause dans l’établissement en proposant des actions, en garantissant le respect des règles écologiques s’il y en a.

Une procédure et un caractère officiel

Un temps d’échange et d’information dans chaque classe est organisé avant les élections pour informer sur le rôle des délégués de classe et motiver les candidats. Tous électeurs et tous éligibles, sans aucune condition, et contrairement aux élections des éco-délégués, celles des délégués de classe n’ont pas l’obligation de faire figurer des binômes mixtes. Les candidats peuvent se présenter le jour même de l’élection, et s’il y a une égalité entre deux candidats, c’est le plus jeune qui est élu d’office. La formation des délégués, organisée après les élections, doit permettre aux jeunes élus de s’initier à leur nouveau rôle, et de comprendre les attendus.

Par le vide juridique qui entoure le délégué de classe, il n’est en principe pas autorisé de démettre un délégué de ses fonctions, hors conseil de discipline qui implique le renvoi définitif du délégué en question, peu importe le motif qui aurait conduit à perdre la confiance qu’on lui aurait porté. En l’absence de réponse claire, chaque établissement est amené à choisir en fonction de la situation qui se présente, soit en destituant le délégué, soit en s’arrangeant pour que le suppléant prenne sa place dans les instances. L’occasion de se questionner sur l’aspect « démocratique » de ces élections, puisque c’est la classe qui élit ses délégués, et de comprendre qu’il ne s’agit pas de démocratie au sens propre, mais d’une ébauche de démocratie, l’École n’étant pas le meilleur lieu pour la vivre ; elle serait plutôt le lieu de l’apprentissage de la démocratie. Le rôle de délégué restant limité dans l’année, et l’autorité des personnels prévalant sur le reste, démettre un délégué n’est pas un abus de pouvoir mais un rappel du cadre scolaire, de ses règles et limites.

Possibilités : au-delà du rôle de figurant

Ni supérieur à la classe, ni chouchou des personnels, ni chef de classe parce qu’il ne donne pas d’ordre, ne harcèle pas, ne se défend pas que lui-même, le délégué de classe agit pour la classe, sur un plan collectif puisqu’il fait des remontées d’information des élèves aux enseignants et des enseignants aux élèves. Il y a cependant aussi un plan individuel puisque l’élève délégué est amené à dialoguer avec un camarade, à écouter ses confidences parfois, à devoir faire preuve de discrétion et de confidentialité. Une place de médiateur qui lui permet également d’agir à son niveau, et forcément de progresser dans son parcours personnel, en apprenant, en pratiquant, en grandissant.

Les possibilités s’élargissent quand le délégué de classe prend conscience qu’il peut initier des projets pour sa classe, voire au-delà de sa classe. Améliorations simples qui n’ont pas seulement attrait à la classe mais aussi à l’établissement, comme par exemple un menu spécifique au self, ou une boîte à livres, ou un bal de fin d’année, un voyage ou une sortie, un temps d’échange… Toutes ces initiatives sont à sa portée et le valorisent dans son rôle, dans une dynamique qui va au-delà du simple conseil de classe. Même si le budget reste un gros frein à ces possibilités, l’intérêt et la coopération des enseignants, de la vie scolaire et de la direction permet de mettre en place des actions, sans grignoter sur le temps de cours et sans enlever la posture studieuse pour autant.

Malgré tout, être délégué de classe est un rôle qui reste temporaire, n’a pas ou peu d’effet sur la scolarité au niveau des notes ou des résultats, mais c’est aussi un service, quelque part. Une place qui n’est pas indispensable au bon fonctionnement d’une classe, même si elle apporte un plus.

Une pénurie dans les candidatures

C’est un fait qui inquiète beaucoup les CPE et les enseignants, celui que les candidats délégués ne soient plus autant au rendez-vous. Des classes sans délégués existent bien dans les établissements, puisque ce rôle n’est pas indispensable au fonctionnement de la classe, mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Non, parce que la communication s’avère plus délicate du fait d’avoir un intermédiaire en moins : le porte-parole élève. La classe peut bien communiquer avec la communauté éducative, mais il y a une différence entre celui qui parle pour la classe, et celui qui a été élu pour le faire : la légitimité d’être porte-parole. C’est pour ça que ce rôle pas indispensable trouve quand même beaucoup d’intérêt, mine de rien, en conférant une légitimité que les élèves éprouvent parfois le besoin de ressentir pour parler au nom de leur classe.

Dans ces difficultés à trouver un candidat, il semblerait que les lycéens de Bac Professionnel soient le plus touchés, un public plus difficile à motiver, d’une part par le peu de considération portée à leur filière, mais aussi parce qu’ils passent leur scolarité entre les cours et les périodes de formation en milieu professionnel (PFMP). Ces stages occupent une partie de leur temps, tout comme pour les BTS. Avec des semaines entières passées dans une entreprise, trouvent-ils l’envie ou le temps, ou la motivation, de devenir délégués et de s’impliquer pour la classe ?

C’est aussi dans cette pénurie de candidats qu’on assiste à un drôle de paradoxe : d’un côté, nos élèves s’engagent volontiers dans des actions civiques, des actions revendicatrices, des engagements où ils peuvent faire entendre leur voix, tout ce qui fait appel au volontariat, mais… de l’autre côté, ils ne saisissent pas la possibilité de s’impliquer dans leur établissement, dans leur classe plus particulièrement. Être délégué de classe, non, mais être éco-délégué, être rédacteur de son journal, être engagé dans des manifestations, des actions caritatives, des pétitions et des boycotts, oui, ils le font avec force, avec brio, avec conviction. Juste pas dans la classe.

Des inégalités dans la démocratie scolaire

Autre facteur : les inégalités observées dans les élections des délégués. Peut-on réellement voter pour quelqu’un alors que l’on ne se connaît que depuis un mois ? Peut-on voter pour une personne qui ne présente pas son programme ou ses prévisions d’objectifs à atteindre ? Les élèves eux-mêmes choisissent plutôt l’élève qui est le plus apprécié dans la classe, mais pas forcément le plus sérieux, celui qui le représentera au mieux dans la communauté éducative ; et sérieux dans un sens autre que les bonnes notes, l’attention en classe ou autre, ces éléments là sont des préjugés, parce qu’avoir d’excellentes notes ne veut pas dire être un bon délégué. Être délégué nécessite un certain devoir de discrétion, et de se montrer attentif aux autres… mais les délégués choisis peuvent manquer d’empathie, de sérieux quant à la ponctualité, ou manquer de civisme face aux enseignants, se croire parfois intouchables. 

Or, ce dont la classe a besoin, c’est de délégués dynamiques pour être elle-même dynamique, parce que c’est aussi à travers ses délégués qu’une classe peut se motiver, si les délégués prennent leur rôle à cœur et amorcent une ambiance de travail équilibrée avec le soutien des enseignants et des personnels. Mais les élèves ne voient en le délégué que celui qui protège et défend au conseil de classe, celui qui tentera les négociations avec « les adultes », d’où une certaine démagogie scolaire dans ces élections. Par ailleurs, les inégalités qui font qu’on va naturellement choisir le plus populaire, donc le plus charismatique, font aussi que ce sont ces jeunes gens charismatiques déjà élus une fois qui seront réélus l’année suivante. On comprend que les places de délégués ne sont pas forcément bien réparties entre les élèves.

Valorisation : des atouts à tous niveaux !

Délégué de classe, une valorisation que l’on ne voit qu’avec le recul, et un tremplin vers l’avenir lorsque l’élève délégué prend conscience de toutes les compétences qu’il a développé juste grâce à cette casquette en plus, en donnant du temps pour un rôle qu’il pensait limité, et qui l’a probablement été malgré tout. C’est là où le rôle de figuration peut s’élargir et les apprentissages avec, le champ d’action n’a pas à se limiter qu’au conseil de classe. Une aptitude à prendre des responsabilités, à parler pour d’autres, à communiquer, des techniques de médiation ou une attitude posée qui permet de prendre en charge un groupe… ces compétences très recherchées dans le marché du travail ne peuvent qu’être profitables ; autant dans la vie active que la vie personnelle d’ailleurs, puisqu’on peut se resservir de ces apprentissages dans d’autres circonstances.

Parce que la valorisation ne vient pas que dans la classe, c’est aussi et surtout cet aspect de vie de l’établissement qu’il faudrait peut-être remettre en avant, tout en se rappelant que l’élève reste élève avant d’être délégué, et que son emploi du temps n’est pas infini.

L’hôtesse donne son avis personnel

J’ai eu beau me présenter aux élections à l’école élémentaire et au collège, pas une seule fois on ne m’a élu, pas une seule fois on n’a voté pour moi. On m’a insulté, on m’a ignoré, on m’a fracassé : je n’étais pas digne d’être déléguée. Les élèves populaires, ceux qui tapaient, ceux qui embêtaient le monde, eux avaient le droit de représenter la classe. Ceci dit, quand il fallait négocier avec les enseignants ou aller voir la CPE, les élèves me demandaient à moi d’y aller, pas aux délégués… et les enseignants le faisaient eux-mêmes. Lycée et BTS, j’ai arrêté d’y croire et ne me suis plus jamais présentée : j’habitais loin du lycée, je me perdais doucement dans mon parcours, alors comment aurais-je pu assurer ce rôle efficacement ?

Est-ce que tous ces refus m’ont empêché de m’impliquer dans l’établissement ? Non, bien sûr, parce qu’être élu n’est pas la seule façon de s’engager, même si j’en doutais au début. Le système des éco-délégués était encore basé sur du volontariat quand j’ai fait mes études supérieures, alors je me suis portée volontaire ; une manière de m’engager dans l’établissement, à défaut de m’engager dans ma scolarité. Je pense que vous comprendrez donc pourquoi je favorise plutôt le volontariat aux élections, parce que je connais et ai vécu ces inégalités, que je respecte le principe démocratique, mais que je sais aussi à quel point il peut fermer des portes à des personnes qui ont la volonté de s’impliquer. La mobilisation a l’air plus facile et équitable quand on part sur du volontariat, alors peut-être qu’on peut se laisser aller à évoluer dans ce sens-là.

Question pour la fin : N’y-a-t-il pas d’autres façons de permettre aux élèves de s’engager dans la vie de l’établissement sans les y forcer ?

Prochain rendez-vous à noter dans l’agenda ? C’est pour le mercredi 15 décembre : puisqu’on se parle scolarité active, on papotera du temps de cours avalé par tous les projets et les dispositifs en milieu scolaire !

Portez-vous bien et ne baissez pas les bras.

ÉP10 S01 Anchor

L’épisode est disponible ici

Sources et documentation sur le sujet

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