EP13 S02 : Vacances… la France serait la feignasse ultime ?!

À l’heure où une majorité des personnels des écoles et des établissements scolaires goûte enfin aux congés estivales, les mêmes articles et polémiques tournent autour de la durée des vacances et de l’occupation de ceux que l’on appelle gentiment des « feignasses ». Les personnels des établissements scolaires ont-ils vraiment trop de vacances ?

[1er degré, 2nd degré et enseignement supérieur]

Synthèse de l’épisode. Tous les liens sont trouvables en orange dans chaque section.

La seconde juridique : gare aux réglementations strictes

Les textes officiels à prendre en compte :

Dame Histoire, des vacances et un joyeux trifouillage

Quelques dates à retenir :

  • 1231 : Le Pape Grégoire IX créé les premières vacances d’été, réservées aux vendanges.
  • Révolution et Empire : Unification des dates de vacances d’été sur toute la France, avec départ le 05 août pour retour le 20 septembre.
  • 1860 : Napoléon III instaure cinq autres jours de repos en plus des vacances d’été.
  • 1882 : Instruction obligatoire instaurée par les lois Ferry.
  • 1925 : Deux semaines de vacances de Noël sont accordées aux écoliers du secondaire.
  • IIIème République : Uniformisation des cinq périodes de vacances pour le 1er et le 2nd degré via l’arrêté du 11 février 1939. Les vacances d’été débutent le 15 juillet et finissent au 30 septembre.
  • Années 60 : Vacances d’été à partir du 28 juin jusqu’au 16 septembre.
  • 1972 : Création des vacances de février après les jeux olympiques d’hiver.

Les zones qui permettent le décalage des départs en vacances datent de 1964, tout d’abord divisées en deux zones qui diffèrent le départ des vacances d’été. 1970 se conclut par une zone unique pour toute la France, avant de changer l’année suivante pour trois zones qui, cette fois, définissent les départs des petites vacances. De 1980 à 1982, les départs en vacances s’échelonnent entre vingt-huit zones, pour vingt-huit académies. Nos zones A, B et C actuelles ont été décidées en 1995, avec peu de changements entre-temps. Néanmoins, 2016 bouleverse la répartition des académies, puisque celles-ci sont regroupées pour suivre la fusion des régions. Du côté de l’Outre-Mer, le calendrier diffère aussi selon la région : la Martinique, la Guadeloupe, Saint Barthélémy et Saint Martin restent calés sur le rythme de la métropole, ce n’est pas le cas de la Réunion, la Guyane, Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon, la Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna et de la Polynésie Française.

Plus ou moins de vacances, ou une comparaison à peu près mondiale

Chaque pays suit sa réglementation selon des éléments qui ne sont pas nécessairement identiques aux autres pays : climat, périodes religieuses, tourisme, culture, niveaux d’enseignement, politique nationale ou plus locale, etc. Comparer avec pertinence n’est donc pas chose aisée, en faisant une source potentielle d’incompréhension en cas de mauvaise interprétation.

Quelques chiffres extraits du rapport « Regards sur l’éducation 2021 » établi par l’OCDE :

  • 36 semaines de cours en France (cas spécifique de l’enseignement supérieur dans certaines formations). La moyenne de l’OCDE est à 38 semaines de cours.
  • 8 200h d’enseignement assurés entre l’école élémentaire et le collège en France, contre une moyenne OCDE de 7 500h.
  • 16 semaines de vacances en France, contre un maximum de 19 semaines en Irlande, et 10 semaines en Suisse (cas spécifique de vacances établies par les localités), pour une moyenne OCDE placée entre 12 et 15 semaines.

Le rapport met en évidence le fait que sur les 40 pays de l’OCDE, dont la France fait partie, seuls six d’entre eux comportent cinq périodes de congés en plus des congés estivales. C’est d’ailleurs pour ça que la France se situe dans les pays les plus généreux dans les vacances, ayant décidé de partager ses 16 semaines de vacances entre 8 semaines estivales, et les 8 autres réparties sur le reste de l’année. D’autres pays tels que l’Irlande préfèrent placer plus de semaines dans la période estivale. Autre cas qui ressort, celui du Chili qui comporte 13 semaines estivales, contre à peine 2 dans une seule période. La durée des vacances d’été reste toujours plus longue que la durée des autres congés. La France s’avère en effet être gourmande en vacances d’été, cependant il ne faut pas oublier qu’elle est aussi dans les pays où la journée de cours est plus longue que la moyenne !

Les vacances, une remise en question permanente

En juillet 2019, Le Point posait une question à ses lecteurs : « faut-il réduire la durée des vacances scolaires ? », ce à quoi 47,8% répondait oui (environ 24 000 personnes), pour les 52,2% restants ayant répondu non (26 000 personnes). Ce sondage permet de comprendre à quel point la population est divisée sur les vacances, et combien la remise en question est permanente.

Les personnels travaillent-ils pendant leurs vacances ? Une écrasante majorité des personnels travaille bien pendant les vacances, qu’il s’agisse des enseignants avec les préparations de cours, recherches de contenu, correction de copies ou organisation de l’année à venir ; de la vie scolaire (AED, AESH et CPE) avec les permanences pendant les petites vacances et les deux semaines administratives de juillet d’août ; des attachés, secrétaires et adjoints de l’administration en EPLE ou dans les services académiques avec les permanences pendant les petites vacances et les vacances estivales (départ le 18 juillet, retour après le 18 août) ; des personnels de direction au même régime que les personnels administratifs, ou même les ATSEM qui ont encore l’entretien des locaux et les activités périscolaires de la commune quand les élèves sont en congés.

Inégalités entre les zones de vacances et les différents cycles : La répartition des zones et des départs en vacances laisse en effet à désirer quand les mêmes zones partent toujours en vacances en dernier, ou qu’elles enchaînent une période de cours à plus de 11 semaines avant une nouvelle période de congés. Se pose aussi la question des rassemblements privés devenus délicats pendant les congés de l’année, lorsqu’une zone ne peut pas en croiser une autre. L’autre inégalité est peu mise en avant par les familles ou la politique, puisqu’elle concerne plutôt le fonctionnement interne de l’Éducation nationale. Quand les PE des écoles maternelles et élémentaires gardent véritablement la classe jusqu’au 07 juillet inclus, les professeurs de collège finissent pour la plupart après les épreuves du Brevet, en fin juin, tandis que les autres enchaînent les corrections. Au lycée, selon la décision du rectorat, les cours peuvent se finir le 10 juin. Sitôt passé les épreuves terminales et les oraux, certains enseignants enchaînent là aussi sur les corrections, alors que les autres finissent bien avant le 07 juillet.

Trop de vacances ? Il est volontiers dit et redit que les vacances estivales sont trop longues et qu’il faudrait les raccourcir, pourtant le discours entre en contradiction avec ce que les personnels observent chaque année. En effet, les départs anticipés en vacances sont de plus en plus courants, illégaux bien que sans sanctions officielles. Ces départs rallongent la durée des vacances, d’où une contradiction particulièrement mal venue. Sont-ce les vacances des enfants qui sont trop longues, ou celles des personnels ? C’est ce qui est implicitement dit avec ces comportements.

Le budget et la faisabilité : Ces départs anticipés trouvent une autre signification que celles du cours inutile passé la fin des conseils de classe du secondaire, ou les « goûters » du primaire. S’il y a bien une chose qui ressort, c’est que les prix s’affolent chaque année, tandis que les budgets dégringolent. Pour palier, les familles sont plus enclines à prévoir un départ anticipé et à faire rater des cours aux enfants quand les tarifs sont réduits, ce qui est le cas avec le marché du tourisme. Loin d’être généralisé mais important à noter, certaines familles qui ne travaillent pas dans la même entreprise sont bloquées lorsque vient le moment de poser les congés. Il y a le risque de ne pas pouvoir tous partir en vacances, aussi les responsables légaux s’arrangent pour partir un peu avant le début des vacances officielles de l’école, ou un peu après, pour garantir qu’ils auront ces congés avec les enfants et le partenaire.

L’utilité et l’accessibilité : Merveilleux moment que celui du repos et du « hors école », néanmoins tous les élèves ne peuvent en profiter dès lors que les ressources sont modestes. Ainsi, les enfants défavorisés ou dont les responsables légaux ne peuvent pas les emmener dans un autre cadre que celui de l’école ou de la maison seront lésés par rapport aux autres. Pour ces élèves, les vacances sembleront peut-être plus longues et moins vivantes, à tel point qu’ils attendront le retour de l’école avec une certaine impatience, non pas parce qu’il s’agit de l’école, simplement parce qu’il y a plus d’animations, d’activités et moins de solitude.

Qu’en est-il alors des élèves qui travaillent durant les congés une fois qu’ils ont l’âge légal ? Qu’en est-il des « Vacances apprenantes », des stages intensifs ou des stages de remise à niveau, des activités accueillies dans l’établissement scolaire ? En clair, pendant les congés, l’école doit-elle être complètement fermée, ou peut-elle accueillir dans un esprit hors classe ?

L’idée qui fait frémir de peur : une nouvelle réforme des rythmes scolaires

Les vacances telles qu’on les connaît ne sont pas équilibrées : un retour en septembre après 8 semaines hors de l’école n’est pas aisé, ni pour les élèves, ni pour les personnels, ni même pour les familles. Les notions sont floues et lointaines, une adaptation est nécessaire pour se remettre dans l’ambiance studieuse. Aujourd’hui, ce rythme perd sa capacité à préparer une année sereine. Un élément arrivé ces dernières années est amené à changer drastiquement le rapport au départ en congés estivales : le réchauffement climatique. Avec des canicules qui démarrent dès début juin dans certains départements, ou un froid glacial qui gèle d’autres départements sur l’autre moitié de l’année, entre le bâtiment scolaire passoire qui ne protège ni du chaud, ni du froid, le réchauffement climatique est en effet l’une des réalités qu’il faut urgemment prendre en compte.

Sans action ou budget conséquent décidé par le gouvernement et les collectivités, la seule autre solution viable serait une réforme des rythmes scolaires. Soit allongement des vacances avec départ plus tôt dans l’année, soit raccourcissement des vacances pour des journées plus courtes, et une prise en compte des températures extrêmes passé début juin. Ces deux possibilités s’avèrent toutefois délicates à mettre en œuvre, parce qu’il ne s’agit vraiment pas que des vacances. On y retrouve la question des programmes scolaires et de leur faisabilité par les enseignants en cas de modification du calendrier scolaire, de suppression d’heures également ; une question de disponibilité des familles pour accompagner l’enfant à l’école sans se mettre en porte-à-faux avec l’entreprise, et sans payer pour d’autres modes de garde ; une question de réforme des transports publics ou de création d’internats pour les élèves dont les familles ne pourront pas les véhiculer. Aussi une question d’économie et de tourisme forcément impacté si les rythmes scolaires changent, au même titre que les activités périscolaires et extrascolaires.

Dans la théorie, une réforme des rythmes deviendra probablement nécessaire et vitale dans les années à venir, nous n’aurons pas forcément à attendre longtemps. Dans la pratique, les conditions de son application sont bien trop importantes et contraignantes. Pourtant, le climat catastrophique ne nous attend pas, les heures de cours disparues au profit d’autres innovations se multiplient, tout comme les suppressions de postes et de classes, et les tensions entre l’Éducation nationale et les personnes extérieures à la maison ne cessent pas. Où placer l’équilibre ?

L’hôtesse t’en parle encore et encore : trop de vacances, ou des rythmes scolaires cassés ?

Une histoire d’élève pour qui les vacances ressemblaient à une prison, malgré la présence de sa famille et ses occupations. Une histoire de mal-être toujours plus intense à chaque période de congés, jusqu’à ce que l’élève devenue étudiante trouve une bouée de sauvetage dans l’écriture et les randonnées. Une histoire d’assistante d’éducation qui n’est toujours pas à l’aise quand les vacances se pointent, même si elle arrive à maîtriser ses appréhensions et son mal-être. Une histoire de vacances trop longues à son goût, même si elle sait qu’elle en a besoin, que tout le monde en a besoin, en particulier depuis ces trois dernières années éprouvantes, entre crise sanitaire et réformes incessantes sans queue ni tête.

Le rendez-vous est pris !

Vendredi 22 juillet, nouveau format pour profiter des vacances dans la détente ! Découverte et blablas au sujet d’un film focalisé sur les « profs », avec une touche de caricature à en défriser des cheveux, et un brin de sérieux pour celui qui ne décroche pas de son travail. D’ici-là, porte-toi bien et ne baisse pas les bras.

ÉP13 S02 Anchor

L’épisode est disponible ici

Ça coule de sources !

  • Rapport conduit par Eurydice : « The Organisation of School Time in Europe – Primary and General Secondary Education 2021 », (disponible en anglais et en turc)
  • Éditions Fayard : « Vacances en France de 1830 à nos jours », ouvrage de André Rauch
  • Éducation.gouv : Archives des vacances scolaires depuis 1959 – 1960
  • Twitter : Une PE de maternelle face aux départs anticipés des familles

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